Le Parlement des Rivières est l'histoire d'un jeune irlandais qui, le mardi 11 mai 1948, est kidnappé à quelques centaines de mètres de chez lui pour se voir littéralement catapulté dans une histoire incroyable remplie d'énigmes et de voyages qui le conduiront de Jaïpur à Calcutta, de New Delhi à Dehra Dùn, de Kédarnath jusqu'à la montagne du Köh Sahraïe. Quarante-six ans plus tard, le jeune Irlandais raconte cette aventure fantastique qui le conduisit de l'Inde au Tibet...
Extrait
À l’époque où se déroula l’histoire que je vais raconter, nous habitions un grand plateau désert, perdu dans les montagnes de la côte Est irlandaise. Bien qu’à notre arrivée, il portât un autre nom, nous avions rebaptisé ce lieu idyllique : Les 1000 Clémences. Ma mère, mon père, mes trois frères et mes deux soeurs, vivions là depuis une douzaine d’années, dans un village en ruine isolé du monde. Cet ancien bourg de montagne, dévasté par deux siècles d’abandon, trônait au centre du plateau comme un fauve magnanime et serein. Partagé entre plaines et forêts, cet espace vierge valait, pour les adolescents que nous étions, tous les paradis du ciel.
Mais n’allez pas juger selon les apparences ; nous n’étions guère que des citadins convertis. Avant de s’installer aux 1000 Clémences, notre père était libraire à Belfast, ville dans laquelle il jouissait, au demeurant, d’une réputation d’homme sage, habile et pondéré. Or, ces qualités n’avaient pas manqué de lui valoir une certaine influence dans les milieux révolutionnaires de la ville. Attirés par les beaux discours du libraire philosophe, ces hommes d’actions, tous partisans du feu vengeur, se mirent, les uns après les autres, à fréquenter son échoppe.
Toutefois, si eux s'acharnaient à faire le désespoir de la Couronne britannique, non pas tant par l’élaboration d’une stratégie indépendantiste qu’à grand renfort de charges explosives, mon père, lui, ne souhaitait qu’une chose : Que l’on préservât ce bas monde du désastre humain. Bien sûr, ceux-là ne prétendaient venir chez nous qu'afin de causer un peu avec le maître des lieux, mais ce qu’ils désiraient vraiment, ce dernier le savait bien : Tous rêvaient de pouvoir, un jour, l’incorporer dans leurs rangs. “Avec toi, finirent-ils par lui dire, nous viendra cette liberté dont rêvaient nos pères.” Ce à quoi il se vit contraint de répondre : “Vos discours, un peu trop homogènes, ont un seul inconvénient : ils sont à l’opposé de tout ce que je crois susceptible, un jour, d’améliorer la destinée de l’homme.” Puis il s’évertua à démontrer combien “révolution” – ce mot qu’il n’aimait pas – pouvait gagner en devenant “jeu d’influence au sein du Parlement”. Mais, bien sûr, la peine était vaine et, de toute manière, mon père n’était pas plus convaincu des chances de la diplomatie que de celles de l’action directe.
Aussi tourna-t-il cette page sans prévenir. Nous étions au printemps de l’année 1936. Étant de nature perfectionniste, le jour où il ferma boutique, il fit imprimer et placarda lui-même sur tous les murs de la ville ces deux phrases, elles aussi révolutionnaires à leur manière : “Jamais, dans l’Histoire, l’insurrection armée n’engendra la liberté d’aucun peuple. La liberté repose au-delà des murs, au-delà des geôliers, au-delà du monde.”
Lire les 32 premières pages de l'ouvrage
Titre : Le Parlement des rivières
Auteur : Frédéric Mari
Éditeur : Libre Édition
Date de parution : Mars 2005
Format : 210x140mm
Broché 514 pages
ISBN 9788190279802
Prix public 16€ (disponible chez l'éditeur)