Photographe engagé au côté des femmes indiennes, Fazal Sheikh leur consacre son dernier opus "Moksha" qui fait suite à "Ladli". Dans celui-ci, Fazal Sheikh porte son objectif sur les veuves indiennes qui vivent en paria jusqu'à la fin de leurs jours dans la ville de Vrindavan. En 2005, La fondation Cartier Bresson à récompensé ce travail en avec un prix de 30.000€ et organise depuis le 9 mai une exposition qui durera jusqu'au 26 août prochain...
"Ladli" succède à mon précédent livre, "Moksha", où je m’intéressais à l’existence de certaines femmes en Inde, qui, une fois veuves, se trouvent abandonnées et dans certains cas maltraitées par leur famille, de sorte qu’elles quittent leur foyer et partent, comme des centaines de milliers de veuves indiennes avant elles, pour la ville sainte de Vrindavan. Là, elles consacrent le restant de leurs jours au culte de leur dieu Krishna. Les histoires que ces femmes m’ont racontées – sur leur mariage alors qu’elles étaient encore enfants, sur les sévices infligés par leur mari, qui les quittait parfois, les mauvais traitements de la part de leur belle-famille, la disparition du respect de soi, la perte de leurs droits juridiques et économiques – tout cela m’a montré la vulnérabilité des femmes dans la société indienne traditionnelle. J’ai compris que, même aujourd’hui, alors que l’Inde rejoint rapidement le groupe des nations les plus évoluées du monde, depuis leur conception, leur sexe même transforme de nombreuses femmes en victimes potentielles d’un système patriarcal qui entérine tacitement leur exploitation, les mauvais traitements qu’elles endurent, voire leur mort. (…) Quand je lis dans la presse les louanges adressées à l’Inde pour son entrée miraculeuse sur la scène économique mondiale, je m’interroge sur l’avenir des femmes dans un pays qui avance très vite vers un avenir glorieux.
Le Prix HCB (Henri Cartier Bresson
Décerné tous les deux ans par la Fondation HCB, le prix HCB est un prix d’aide à la création de 30.000 euros. Initié par Robert Delpire en 1988, le prix HCB a été réédité en 2003 à l’occasion de l’inauguration de la Fondation HCB. Depuis sa création, le prix HCB a été attribué à Chris Killlip (1989), Josef Koudelka (1991) et Larry Towell (2003). Le jury du prix HCB 2005 était composé de sept personnalités du monde des arts : Robert Delpire (éditeur, Président du jury), Martine Franck (photographe, Présidente de la Fondation HCB), Anne Samson (Directrice ASC, communication et mécénat culturel), Bernard Latarjet (Président du Parc de La Villette, Paris), Tereza Siza (Directrice du Centro Portugues de Fotografia, Porto), Anne Tucker (Conservatrice photographie, Museum of Fine Arts, Houston) et Val Williams (Commissaire indépendante, Londres). La candidature de Fazal Sheikh était présentée par le Fotomuseum Winterthur, Suisse.
A propos du lauréat, le jury a déclaré : "Son engagement, très sérieux, est à la fois politique et poétique - dans sa façon de traiter de problèmes très douloureux. Son approche très classique, formelle en apparence, voir distanciée, laisse le spectateur libre de prendre parti.". "C’est une façon très nouvelle et fondamentalement humaine de traiter un sujet d’actualité. En les laissant s’exprimer, il redonne à ces femmes une identité, et de la dignité.". "Au travers de portraits, d’interviews et de photographies de l’environnement de ses sujets, Fazal Sheikh nous confronte à la tragédie de femmes – très âgées ou très jeunes - en Inde. Il montre comment l’enfance est écourtée par la misère et la nécessité, et la tristesse de ces veuves rejetées par leurs enfants et leur famille."
La Fondation montre les deux essais "Moksha" et "Ladli", ensemble de portraits, noir et blanc, et de témoignages réalisés par Fazal Sheikh en 2005 et en 2006. Comme pour tous ses précédents travaux, Fazal Sheikh a passé beaucoup de temps avec les personnes photographiées, écoutant leurs récits qui révèlent les souffrances causées aux femmes par des traditions toujours en vigueur dans la société indienne.
Moksha, "le paradis"
Depuis 500 ans, la ville sainte de Vrindavan, dans le nord de l’Inde, est un refuge pour les veuves indiennes dépossédées de tout. Rejetées par leur famille et condamnées par la stricte loi martiale qui nie tous leurs droits, certaines décident de rejoindre Vrindavan dans des conditions difficiles, parfois au péril de leur vie. Leur rêve le plus cher est d’atteindre Moksha – le paradis – où elles seront libérées du cycle de mort et de réincarnation et où elles vivront entourées de leurs dieux pour toujours. Moksha réunit les portraits de ces femmes et leurs témoignages, récits bouleversants de cruauté et de dénuement. Fazal Sheikh s’est attaché à rythmer le livre et l’exposition d’images poétiques montrant leur nvironnement, paysages et sanctuaires, qui plongent immédiatement le lecteur dans l’intimité tragique de ces femmes.
Ladli, "fille adorée"
Dans la société indienne traditionnelle, une fille est parfois un fardeau ; sa famille devra constituer une dot importante pour qu’elle se marie - bien souvent dès l’enfance - et qu’elle intègre ainsi de façon digne la famille de son époux. A cause de cette coutume onéreuse, les fillettes doivent bien souvent endurer dès la naissance des sévices inimaginables et souvent, l’abandon dans un orphelinat. Mais surtout, avec les techniques modernes d’investigations prénatales, l’avortement des foetus de filles s’est multiplié : "Dépensez cinq cents roupies aujourd’hui, économisez-en cinquante mille demain", allusion aux économies réalisées par une famille grâce à l’avortement du foetus, en évitant ainsi le coût d’une dot, indispensable pour marier une fille. Fazal Sheikh a pu travailler avec diverses organisations indiennes qui lui ont permis de rencontrer des fillettes et des adolescentes, pour recueillir leurs témoignages. Fazal Sheikh, né à New York en 1965, est le lauréat de nombreuses récompenses prestigieuses. Ses travaux ont été exposés et font partie des collections des plus grandes institutions photographiques internationales.
Artiste engagé, il attache autant d’importance aux photographies qu’aux récits qui les accompagnent. Son talent de photographe-écrivain lui permet de s’attacher réellement à ces femmes, non comme victimes symboliques, mais comme personnalités authentiques, nommées, qui se dévoilent dans un face à face direct et intime. En vivant pendant de longues semaines au sein des communautés qu’il étudie, en partageant leur quotidien avant de les photographier, il donne à ces images et à ces mots une profondeur liée à son engagement personnel : un sincère respect des croyances, des sentiments et de la nature humaine, une volonté farouche d’éveiller les consciences.
Biographie
Né à New York en 1965, diplômé de Princeton en 1987, Fazal Sheikh a toujours travaillé avec des populations déplacées - en Afrique de l’est, au Pakistan, en Afghanistan, au Brésil, à Cuba et récemment, en Inde.
Son grand-père, Sheikh Fazal Ilahi, est né en 1900 dans la région du nord de l’Inde devenue le Pakistan en 1947 ; son père, Abdul Majied Sheikh au Kenya en 1941. Cette lignée familiale a conduit Fazal Sheikh à enquêter sur trois continents. Sur place, il a tenu à partager le quotidien difficile de réfugiés, pour la plupart victimes de guerres civiles, ou des communautés mises au ban de leur société. Il a travaillé au Pakistan avec des groupes de réfugiés Afghans, au Soudan, en Ethiopie, en Somalie, puis en Inde pour ses deux derniers essais. En 1994, le New York Times l’a inclus dans la liste des 30 personnalités de moins de 30 ans les plus susceptibles de changer la culture des 30 prochaines années.
En 2005, il est nommé MacArthur Fellow. Il est par ailleurs le lauréat des bourses de la J. William Fulbright Foundation, du National Endowment for the Arts, du Nederlands Fotomuseum, de la Mondriaan Foundation et de la Mother Jones International Documentary Fund.Fazal Sheikh a reçu le Prix Henri Cartier-Bresson en 2005 pour son essai « Moksha ». Il a également reçu le Grand prix du dialogue de l’humanité des Rencontres d’Arles, l’Infinity Award, la Leica Medal of Excellence, le Ruttyenberg Award, et le Ferguson Award. Des expositions de son travail ont été présentées à la Tate Modern, Londres ; à l’International Center of Photography et aux Nations Unies, New York ; à la Fondation HCB, Paris ; au Musée d’Art Contemporain, Moscou. Ses photographies figurent dans les collections permanentes du Metropolitan Museum of Art, New York ; la George Eastman House, Rochester ; le San Francisco Museum of Modern Art.
Ses travaux font partie des prestigieuses collections du Metropolitan Museum of Art, New York , San Francisco Museum of Modern Art, Californie, Philadelphia Museum of Art, Pennsylvanie, International Center of Photography, New York, Art Institute, Chicago, National Museum of Kenya, Nairobi, Fotomuseum Winterthur, Switzerland, Ruttenberg Foundation, California, The New York Public Library, New York, Museum of Fine Arts, Houston, Corcoran Gallery of Art, Washington, DC, Princeton University Art Museum, New Jersey, Santa Barbara Museum of Art, Museum of Contemporary Photography, Chicago, Volkart Foundation, Winterthur, Suisse. Il partage aujourd’hui son temps entre Zürich, New York et le Kenya.
Quand ?
Du mardi au dimanche de 13h00 à 18h30
Le samedi de 11h00 à 18h45
Nocturne gratuite le mercredi de 18h30 à 20h30
Dernière entrée 30mn avant la fermeture
Fermé lundi et jours fériés
Ou ?
2 impasse Lebouis - 75014 Paris
Tél. 01 56 80 27 00
Fax 01 56 80 27 01
Email contact@henricartierbresson.org
Site Internet www.henricartierbresson.org
Plan d'accès
Combien
plein tarif 5€
tarif réduit 3€
gratuit pour les Amis de la Fondation HCB
gratuit en nocturne le mercredi (18h30 – 20h30)